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Services bases de données chez les Cloud Providers, quelles perspectives en 2021 ?

Si nous faisons une rétrospective des technologies qui ont marqué la gestion des données ces dix dernières années, un grand nombre d’entre-elles ont suivi le modèle de licence logicielle du freemium open-source. Mais quel est son fonctionnement ?

Une version communautaire est mise à disposition gratuitement et sans limite à l’utilisateur, ce qui permet son évaluation technique, son inclusion dans un processus de développement et la mise en production du service développé sur lequel il est bâti. Si le projet ne rencontre pas son public ou s’arrête en cours de développement, les frais de licences sont nuls.

La version enterprise s’inscrit comme un prolongement de la version communautaire et apporte des fonctionnalités supplémentaires : monitoring, sécurisation (multi-users, droits d’accès, haute-disponibilité, chiffrement…), indicateurs de performances, machine learning…etc. Est également inclus avec la licence « entreprise », un accès privilégié au support de l’éditeur, garantissant une réponse rapide en cas de défaillance du système.

En 2009, Amazon Web Services, précurseur du Cloud Computing, lance son service de bases de données relationnelles, AWS RDS. Au-delà des deux moteurs commerciaux pour lesquels l’achat d’une licence logicielle est obligatoire, AWS fait le choix d’intégrer les moteurs MySQL, MariaDB, PostgreSQL uniquement dans leur version open-source, renforçant son offre par des produits de monitoring (AWS CloudWatch ou Performance Insight). La proposition de valeur d’AWS demeure alors dans sa capacité à automatiser et délivrer à l’échelle mondiale des infrastructures hautement disponibles.

Par la suite, AWS s’est inscrit dans la mouvance du purpose-build database era, l’ère de la base de données hyperspécialisée. Ce virage a rapidement été suivi par la majorité des CSP qui ont intégré des technologies comme MongoDB, Memcached, Redis, Kafka, Cassandra

En 2018, MongoDB met les pieds dans le plat. Contrarié par le fait que certains fournisseurs de cloud, particulièrement en Asie, usent de ses codes-sources publics pour proposer des versions commerciales hébergées de sa base de données, il annonce avoir émis une nouvelle licence logicielle, la licence Server Side Public License (SSPL) qui s’appliquera à toutes les nouvelles versions de son moteur , ainsi qu’à tous les correctifs logiciels apportés aux précédentes versions. MongoDB tentera par ailleurs pendant de nombreux mois de la faire inclure dans l’OSI (Open Source Initiative) sans succès.

Globalement, rien ne change pour les utilisateurs finaux. En revanche, la SSPL déclare explicitement que quiconque souhaite offrir un produit logiciel en tant que service (as a service) doit soit obtenir une licence commerciale soit ouvrir les sources de son service, dans la continuité du logiciel libre sur lequel le service repose. Eliot Horowitz, directeur technique et co-fondateur de MongoDB déclare « Le marché consomme de plus en plus de logiciels en tant que service, ce qui crée une opportunité incroyable de favoriser une nouvelle vague de logiciels open source […]. Malheureusement, une fois qu’un projet open source devient intéressant, il est trop facile pour les fournisseurs de cloud qui n’ont pas développé le logiciel de capturer toute la valeur et ne rien apporter à la communauté ». Le message est clair, contribuez ou payez.

La réponse ne se fait pas attendre coté AWS. AWS déploie un nouveau service de base de données NoSQL orienté document avec une compatibilité avec les précédentes versions de MongoDB. La guerre est déclarée. D’autres acteurs du marché se montrent également retissant à l’idée d’introduire ces notions. Red Hat indique avoir pris la décision de supprimer MongoDB de ses distributions.

En 2020, MongoDB annonce la GA (Global Availability) de son nouveau service, MongoDB Atlas ! MongoDB assure l’hébergement de vos assets bases de données, chez le cloud provider de votre choix, faisant d’Amazon, un simple provider de services.

A l’heure où nous écrivons ces lignes, Elastic et son moteur ElasticSearch, annoncent passer également leur logiciel sous licence SSPL. En observant Elastic, on se rend compte qu’ils suivent le modèle de MongoDB, à savoir un logiciel proposé à la communauté en open-source et un service d’hébergement dans le cloud compatible avec les gros faiseurs du marché.

Souffrant de cette captation de valeur des cloud-providers, introduite par la création d’offres de « software-as-a-service », ils annoncent adhérer à cette nouvelle licence SSPL, dérivée du GNU GPLv3, incluant une limitation pour les cloud-providers. Le logiciel n’est plus libre au sens où il n’est plus disponible sans limites d’utilisation. Il offre en revanche, une liberté d’utilisation et de contribution pour les utilisateurs finaux.

En observant les grandes tendances de marché, on se rend compte que les cloud-providers descendent la chaine de valeur et attaquent désormais les logiciels, s’attachant à créer des offres d’hébergement à grand renfort d’automatisation. Cette approche n’est pas du goût des entreprises qui se servaient jusqu’alors du logiciel-libre pour atteindre de plus larges publics et capter des parts de marché. Ils reprochent aux Cloud-Providers de ne pas contribuer au logiciel et se sentent lésés financièrement. Ils tentent alors de cantonner les cloud-providers à de simples hébergeurs de leurs solutions au travers de licences logicielles restrictives. En réponse, les cloud providers déploient de nouveaux moteurs de bases de données, se rendant compatibles ou pseudo-compatibles avec les technologies en place du marché. Nous allons donc vers un éclatement technologique des solutions de rétention de données et la généralisation de connecteurs et d’émulations, impactant par leur nature les performances de nos bases de données. Le Cloud réussira-il le pari d’offrir des infrastructures moins onéreuses en prenant en compte ce handicap de performances ? Seul l’avenir nous le dira.


Crédit photo : Tom Barrett